Toulon : la plus belle porte d'arsenal de France

                                                    Ancienne porte de l'Arsenal de Toulon, 1738, cliché Ph. Cachau 2018

 

La porte de l'Arsenal de Toulon est sans doute la plus belle porte jamais réalisée sous l’Ancien Régime pour un arsenal. Elle fut conçue à la demande de Louis XV et du comte de Maurepas, ministre de la Marine, afin d'achever la clôture du site, demeurée en plan depuis la mort de Vauban en 1707. Outre les fortifications de la ville, celui-ci s'était vu confier la réalisation d’un vaste arsenal à côté du port.

 

                   Jean-Michel Verdiguier : Mars, vers 1730 (cliché Ph. Cachau)                 Jean-Lange Maucord : Minerve, vers 1730 (cliché Ph. Cachau)   

                                                            

En 1727, il fut question de remanier la porte existante, alors en mauvais état. Une inscription en hommage au roi et aux initiateurs de la nouvelle porte fut commandée en octobre, inscription qui ne sera placée que 11 ans plus tard. Détruite durant la Révolution, elle fut rétablie en 1994 (la plaque actuelle, très abîmée, mérite une restauration, étant illisible).

 

       Joseph Hubac, dit l'Ancien : Trophées marins, vers 1730 (cliché Philippe Cachau)       Joseph Hubac, dit l'Ancien : Trophées aux armes royales, vers 1730 (cliché Philippe Cachau)       Joseph Hubac, dit l'Ancien : Trophées marins, vers 1730 (cliché Philippe Cachau)

 

Le projet de la porte actuelle fut confié à Pierre Nègre, directeur des fortifications de Basse-Provence depuis 1730. Contrairement à diverses légendes, elle ne fut pas l’oeuvre d’un seul artiste mais un ouvrage collectif du service des fortifications. Pierre Nègre fit appel, en effet, aux meilleurs sculpteurs de l'arsenal : Jean-Michel Verdiguier (1706-1796) pour la figure de Mars, Jean-Lange Maucord, dit Lange (1671-1761) pour la Minerve et Joseph Hubac, dit l'Ancien (1716-1761), pour les putti et les ornements marins au-dessus.

Tous ces artistes furent formés dans l'atelier de Pierre Puget, le Michel-Ange français, auteur des célèbres atlantes de l’hôtel de ville, dont l’atelier de décoration des navires devait demeurer un important vivier d‘ornemanistes et d‘artistes rocailles (peintres, sculpteurs, architectes) de la fin du XVIIe au milieu du XVIIIe siècle : Louis-Claude Vassé, Bernard Turreau dit Toro, natifs de la ville, les Caffiéri, les Vanloo (d’origine hollandaise, établis à Toulon dès la fin du XVIIe) pour les plus connus d’entre eux.

 

                    Joseph Hubac, dit l'Ancien : Trophée guerrier avec figure de général romain, vers 1730 (cliché Ph. Cachau)               Joseph Hubac, dit l'Ancien : Trophée guerrier avec figure de César, vers 1730 (cliché Ph. Cachau)

 

La réalisation du projet fut confiée à Pierre-François Aguillon (1696-1784), entrepreneur-architecte de la marine. Il tira la pierre des carrières de Cassis, près de Marseille, et non de celles de Calissane comme l'indique faussement Mireille Forget dans le catalogue Illustrations du Vieux Toulon en 1984. Il est probable, en revanche, que les statues aient été taillées dans cette pierre, proche du marbre, extraite des environs de l'étang de Berre.

On prétend que les colonnes de marbre cipolin furent ramenées de Grèce par un Colbert de Seignelay en 1735. Il ne peut s'agir, en aucun cas, du ministre de la marine de Louis XIV, mort en 1690. Il en coûta 8 000 livres pour la réalisation de la porte et 5 000 livres pour le logement annexe des gardes suisses. La porte cochère actuelle est une réplique fin XIXe de l'originale.

 

                                                         Détail de la partie haute de la porte, à gauche (cliché Ph. Cachau)

 

Devenue trop étroite au regard des nécessités contempraines de l’arsenal, la porte fut déplacée de 5 mètres en 1976, tournée vers le nord. Elle était initiallement orientée vers l’est, axée sur une rue, devenue l'avenue de la République. Elle constitue depuis lors l'actuelle façade du Musée national de la Marine, annexe de celui de Paris.

Situé à gauche de l'entrée principale de l'arsenal, ce passionnant musée présente de superbes décors de navires, voire de galères comme celles qui naviguaient autrefois sur le Grand Canal de Versailles.

Une visite s’impose assurément pour mieux connaitre les origines et les richesses, tant militaires qu'artistiques, du port de Toulon. 

 

                                                              Déplacement de la porte de l'arsenal en 1976